TRAC·É·E·S a été présenté par le Lien Théâtre le 12 juin 2025 à Bourg-en-Bresse. Ce spectacle intense et exigeant a été créé et joué par cinq jeunes suivis par le STEMO (Service territorial éducatif de milieu ouvert) de l’Ain et quatre professionnels (éducateur.rices et psychologue).
Le sujet : la place, celle qu’on a, celle qu’on voudrait avoir, celle qu’on nous assigne…
SARAH : A table, pendant les repas de famille, j’ai toujours été à l’écart. Peut-être parce que je n’ai pas grandi avec mon père. Les cousins, les cousines, m’ont toujours fait comprendre que j’étais différente, à l’écart, à cause de ce manque de père. Mais j’aimerais qu’un jour, si je reviens dans une fête de famille, j’aimerais ne pas m’assoir toujours à la même place. J’aimerais choisir la place où je veux m’asseoir. Et si tout à coup il y a des tensions, si l’air devient irrespirable, alors je sais que je pourrai me lever et partir, quand je voudrai, à tout moment, tout en leur faisant comprendre que je les aime bien, qu’ils sont importants pour moi, mais en même temps que j’ai besoin qu’ils respectent les choix que je fais et qu’ils m’accordent leur confiance.
Après une semaine d’immersion fin avril avec le groupe, l’auteur du Lien Théâtre, Matheo Alephis, a écrit un texte fort, autant intime que politique. Les ateliers de création ont été suivis de 6 journées pour répéter et créer le spectacle.
Les jeunes se sont impliqués, ont buté, résisté mais ont mené le projet jusqu’au bout. Ils se sont engagés dans le spectacle, ont partagé leurs mots et leurs émotions. Standing ovation largement méritée ! Pour eux et les professionnels incroyables avec qui ils ont partagé la scène et sans qui rien n’aurait été possible.
Il y a de ces projets comme ça qui me redonnent de l’énergie et de l’espoir.
Je vous remercie et vous exprime ma profonde gratitude.
Anne-Pascale Paris
Est-ce qu’on peut imaginer se décaler un peu de sa place ?
De la place qu’on nous a assignée ?
Qui a dit qu’on ne pouvait pas ?
Mais est-ce que ce serait suffisant ?
Qui veut être à la place de Benoit, de Sarah, d’Eléa et des autres ?
Exilés, stigmatisés, mis à l’écart.
Le verdict tombe très vite.
Ils elles ne sont pas assez méritants
Ils elles ne font pas assez d’efforts
Ils elles ont fait de mauvaises rencontres
Ils elles ont des familles difficiles
Ils elles ne sont pas dans le bon quartier
C’est leur destin social
Le verdict est asséné comme un coup de marteau
Impossible de s’en extraire.
Nous voudrions tous un changement de place.
Non pas radical
Juste un déplacement infime qui pourrait changer les choses
Qui pourrait changer notre manière de nous représenter les choses
Sans nous soucier de la place qu’on nous assigne
À la table familiale
A l’école
Dans l’open space professionnel
Ou dans l’éternel placard social.
Alors, c’est fini la place ?
Pour de bon ?
(Chœur final.)